Une lignée de facteurs d’instruments

Une histoire de transmission

Si les instruments de l’atelier Tudual Hervieux sont aujourd’hui vendus en Bretagne, en France, mais aussi à travers l’Europe, les Etats-Unis, en passant par la Nouvelle-Zélande et la Russie, l’histoire de cette lignée d’artisans trouve ses origines à Lann-Bihoué il y a près d’un demi-siècle.

De père en fils, de facteurs de bombardes en luthiers de renom, découvrez les coulisses d’un atelier devenu mythique !

L'atelier

Présentation

C’est au sein du célèbre bagad de Lann Bihoué que Gilbert Hervieux et Olivier Glet se rencontrent. Nous sommes à la fin des années 70 et un besoin de renouveau souffle sur le paysage musical. Pour les deux compères, il est grand temps de repenser la fabrication des instruments traditionnels à vent ! Prenant le chemin de l’innovation, Gilbert Hervieux et Olivier Glet s’orientent rapidement vers des instruments chromatiques et des instruments plus graves, avec les bombardes alto et ténor par exemple. C’est ainsi qu’en février 1981, l’atelier « Hervieux et Glet » voit le jour.

En 2009, Tudual Hervieux, le fils aîné de Gilbert Hervieux, rejoint l’atelier après s’être formé auprès des plus grands maîtres facteurs en Angleterre et en Ecosse. Au départ en retraite d’Olivier Glet, il reprend l’atelier sous son nom.

Le 1er janvier 2019, surprise dans le monde des sonneurs ! Jorj Botuha, grand facteur de binioù, bombardes et cornemuses à Auray, rejoint l’atelier Tudual Hervieux. Les deux grands facteurs ne font plus qu’un ! Un mariage de génie, scellé par la passion pour la facture instrumentale ancienne, qui leur permet d’optimiser la réalisation d’instruments uniques et de qualité. C’est aussi un rapprochement résolument tourné vers l’innovation. Quelques mois plus tard, cette fusion permet à l’atelier Tudual Hervieux & Jorj Botuha d’obtenir le label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant). Une distinction décernée par l’Etat aux entreprises artisanales maîtrisant des savoir-faire rares, est une véritable reconnaissance d’excellence.

Et parce que l’histoire ne s’arrête pas là, un véritable mariage celui-ci, de Tudual Hervieux avec Rozenn Hervieux, débouche sur une collaboration des deux époux. Rozenn rejoint l’atelier en 2020.

Aujourd’hui, alors que Gilbert Hervieux et Jorj Botuha sont partis en retraite, Tudual et Rozenn Hervieux continuent de faire rayonner l’atelier.

En alliant leurs compétences, leurs recherches et tout le savoir-faire appris auprès des anciennes générations, ils peuvent aujourd’hui proposer une gamme complète d’instruments anciens et contemporains, ainsi qu’une large gamme de poches en cuir de haute couture !

logo epv signature blanc 200

Basé sur une procédure de sélection très rigoureuse, le label EPV a été attribué à l’atelier Tudual Hervieux pour sa haute technicité, sa créativité et sa portée culturelle

Les facteurs

De grands noms de l’artisanat

Tudual Hervieux

Dès son plus jeune âge, Tudual apprend à sonner de la bombarde avec Philippe Janvier, puis Erwan Hamon, mais il se passionne très vite pour le biniou. Il sonne alors avec son père, Gilbert Hervieux, qui lui transmet sa passion pour la musique de couple ainsi que pour la facture instrumentale. Sa vocation est toute trouvée !

Il se rend en Ecosse pour apprendre la fabrication des poches de cornemuse après d’Angus Lawrie, puis entre en formation chez McCallum Bagpipe. S’ensuit un cursus de plusieurs années au sein de l’école internationale de lutherie de Newark au Royaume-Uni (Woodwind instrument making school). Sorti major de sa promotion en 2009, il rejoint son père et Olivier Glet à l’atelier Hervieux & Glet où il met à profit son expertise dans la fabrication des poches de binioù, de cornemuse, mais aussi dans la facture des clefs à l’ancienne et de l’argenture.

Sa passion l’amènera également à prendre des mesures d’instruments anciens, dans les musées ou bien chez les particuliers, pour pousser encore plus loin la connaissance autour des bombardes, binioù, veuzes et cornemuses.

Tudual Hervieux trace le gabarit d'une poche de cornemuse écossaise sur une peau de mouton
Sans une connaissance approfondie de ce qui se faisait auparavant, on ne peut s’approprier les instruments, ni les repenser pour imaginer les créations de demain

Rozenn Hervieux

Baignée dans la culture bretonne depuis sa tendre enfance, entre des années de danse et d’accordéon diatonique, Rozenn Hervieux n’est pas une néophyte dans le milieu. Loin de là !

Touche-à-tout en ce qui concerne ses choix professionnels, elle s’épanouit dans l’enseignement des langues puis dans la rédaction journalistique. Mais très vite, en rencontrant Tudual, elle fera le choix de tout fusionner par amour : sa passion pour la danse et la musique traditionnelle, et son métier.  C’est ainsi qu’elle rejoint l’atelier en 2021. D’abord en tant que « petites mains » de l’ombre, elle repensera la communication et mettra en valeur l’histoire de l’atelier et de la famille Hervieux, via le site internet et les actualités sur les réseaux sociaux.

Puis l’appel des machines se fait sentir, et aujourd’hui, elle est à la tête de la fabrication des poches en cuir. En parallèle, elle intervient à différentes étapes de la fabrication des bombardes et binioù : perce, ponçage, vernissage, etc. « Tout ce qui demande minutie, précision et goût du beau« , comme aime le préciser Tudual.

Le couple Hervieux tient désormais l’atelier, suite au départ de Gilbert Hervieux et Jorj Botuha.

Si certains choisissent leur métier par passion ou tradition, d'autres le choisissent par amour... et le résultat est tout aussi beau !

Jorj Botuha

L’atelier Jorj Bothua était l’un des plus reconnus dans le monde de la musique bretonne et écossaise. D’abord fabricant de bombardes, il étend très rapidement ses compétences au biniou et à la cornemuse.

Au fil des années, l’atelier Jorj Botuha s’étoffe et réalise des instruments pour tous les grands bagadoù de première catégorie, les sonneurs de couple, mais aussi les grands solistes d’Ecosse. De son apprentissage de sonneur auprès d’Yvon Palamour et d’Alain Le Buhé, “ses guides” comme ils les nomment si bien, Jorj Botuha a conservé cette envie de “recréer une ambiance”.

Grâce à des recherches documentaires, auprès de témoins, et par la pratique “à l’oreille”, il a cherché toute sa vie à redonner la sensation des instruments de musique ancienne. Le savoir-faire de Jorj Botuha ce sont des compétences d’excellence conjuguées à une technicité de pointe.

Gilbert Hervieux

Originaire de St Vincent sur Oust, commune morbihannaise où les traditions populaires sont reconnues comme tenaces, “surtout quand il s’agit de danse !”, Gilbert Hervieux a côtoyé très tôt des porteurs de traditions rompus à la danse et au chant populaire.

La proximité du centre Ti-kendalc’h et du Groupement Culturel Breton des Pays de Vilaine, lui ouvre les portes du collectage autour de St Vincent. Très vite, il agrandit son rayon d’action dans tout le pays morbihannais gallo et plus loin encore, en pays vannetais bretonnant. Une véritable passion qui aura ponctué toute sa carrière !

La mise en valeur de tout ce patrimoine collecté passera d’une part par la pratique du chant avec les chanteurs des Pays de Vilaine et du concours de la Bogue d’Or, d’autre part par le jeu en couple biniou et bombarde avec ses compères successifs : Jean-Pierre Pédron, Jacques Beauchamp, Dominique Mahé et Tudual Hervieux.

Entreprise du Patrimoine Vivant

En 2018, l’atelier a obtenu le label EPV (entreprise du patrimoine vivant).
Une excellence française mise en valeur et clairement identifiée par le label EPV
Unique distinction d'État associée à la reconnaissance des savoir-faire d'exception, le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) souhaite valoriser les entreprises d'excellence française afin d'en favoriser la croissance.

Les métiers

Étape par étape

Le savoir-faire et la renommée de l’atelier Tudual Hervieux s’appuient sur de nombreux métiers complémentaires, qui s’articulent et s’entrecroisent tout au long de la fabrication des instruments, et que chaque facteur de l’atelier maîtrise et continue de perfectionner au quotidien.

Chaque instrument est le résultat de nombreuses heures de travail sur le bois, la corne, le roseau, le cuir ou encore le métal. C’est une partition à plusieurs mains qui se joue, dans une habile coordination d’interventions, soit manuelles soit mécanisées, grâce à des machines de haute précision conçues à l’origine pour l’horlogerie ou l’aéronautique. C’est de cette parfaite complémentarité entre les savoir-faire de chaque artisan que sortent de l’atelier des instruments uniques mais constants, d’une précision et d’une qualité impeccables.

Gilbert Hervieux Tournage d'une carrelet de buis pour biniou

Le tournage

La première étape est celle du tournage sur bois, pour façonner et donner les premières formes au bois dans lequel sera fait l’instrument. Grumes, carrelets, souches : chaque bois est sélectionné avec exigence, et séché pendant plusieurs décennies, pour ne retenir que les morceaux les plus droits, les plus durs, les plus stables. La phase de tournage est aussi impressionnante que poétique. Odeurs, copeaux, veinage, toucher : la forme brute se révèle pour donner peu à peu l’idée de la pièce finale.

Jorj Botuha vérifie la perce d'une bombard en Fa

La perce et l’alésage

Sans perce, pas d’instrument. La perce se fait à l’aide d’alésoirs fabriqués sur-mesure dans le plus grand secret de l’atelier. Cette étape consiste à percer le cœur du bois pour faire naître l’acoustique des instruments. C’est sans nul doute la partie la plus cruciale qui fait des instruments Tudual Hervieux des pièces reconnaissables entre toutes. Les secrets de cette étape sont dans leurs têtes, leurs gestes redoutables de précision, leur ouïe sans pareil et leur ressenti unique !

Tudual Hervieux Brasage à l'argent de clefs de bombarde

Le clétage

Chaque clef permet d'ouvrir ou fermer les trous de l’instrument qui ne sont pas à portée de doigts, et atteindre ainsi une ergonomie de jeu parfaite. Au sein de l’atelier, les clefs sont pensées, dessinées et moulées en fonction de chaque modèle de bombarde, pour des instruments d’une justesse et d’un confort irréprochables. Leur mécanique peut être sobre (une ou deux clefs), ou hautement complexe (la bombarde chromatique par exemple). La fabrication des clefs s’accompagne d’autres manipulations minutieuses mais essentielles : boules, axes, tampons, lièges, ressorts, etc. Vous l’aurez compris : patience, précision et ingéniosité sont nécessaires pour cette partie, tant la perfection peut prendre du temps !

Tudual Hervieux argenture des clefs de bombarde par galvanoplastie

L'argenture par galvanoplastie

L’élégance d’un instrument passe par de nombreuses étapes de finition, dont l’argenture des clefs avec de l’argent pur. Ce procédé permet de traiter les clefs en surface pour une parfaite homogénéité des couleurs et de l’aspect, et ce, peu importe l’alliage de métaux sélectionné. L’alliage choisi pourra être souple, pour permettre aux clefs d’épouser les formes désirées, ou rigide, pour éviter toute déformation des pièces. L’argenture permet aussi de limiter l’usure et l’oxydation des clefs. Nous sommes là dans un procédé complexe, avec des mélanges et des techniques testées et perfectionnées au fil des années. C’est ça, aussi, le métier de facteur d'instruments !

Gilbert Hervieux ponçage d'un pavillon de bombarde en Sol en Buis

Le ponçage et le polissage

Une fois les instruments tournés au sein de l’atelier, et une fois les clefs brasées et argentées, chaque millimètre de l’instrument est poncé au papier abrasif très fin, poli à la brosse, puis vernis à l’aide d’un mélange (dont là aussi le secret est bien gardé !), afin d'obtenir une surface homogène et un toucher des plus agréable et fluide. Les clefs sont alors montées de manière définitive, autour des ressorts, des leviers, des bras… Ces dernières deviennent enfin des notes, et les instruments des pièces d’exception !

Ciselage d'un bombarde en si bémol avant étamage

L’étamage et ciselage

Nombreux sont les instruments de l’atelier Tudual Hervieux à arborer les plus beaux ornements. Une technique de ciselage et sculpture à l’étain, gardée secrète, et qui apporte toute leur majesté aux bombardes comme aux binioù. Les formes ciselées sont pour la plupart traditionnelles, même si quelques créations sont réalisées, à la demande des clients et des récits de famille qu’ils souhaitent transmettre à travers leurs instruments.

Le travail du cuir

Le cuir est préalablement sélectionné auprès des plus grands fournisseurs de peaux au monde, et le travail de tannage est, lui aussi, réalisé main dans la main avec les tanneurs les plus réputés. Tout se passe ensuite dans le secret de l'atelier. La conception des poches est le résultat d’un long travail de recherche sur les patrons qui donnent la forme finale et permettent une ergonomie irréprochable, une véritable aisance de jeu et une vibration unique de l’instrument. Les coutures sont toutes réalisées à la main, sans machine, avec un fil spécial conçu et ciré par nos soins, qui assure une parfaite étanchéité pour des poches d’excellence, recherchées à travers le monde.

Tudual Hervieux perçage des boules de bombarde

Les derniers ajustements

Avant de quitter l’atelier pour les quatre coins de la Bretagne, de France et bien au-delà des frontières, chaque instrument est évalué et testé par chaque artisan-facteur de l’atelier, dont les oreilles et les doigts sont rompus à l'exercice et sont d’une précision et d’un jugement redoutables. Chaque partie de l’instrument est contrôlée de manière minutieuse pour s’assurer de sa réalisation parfaite, de sa mécanique, de sa précision, de son étanchéité, de sa sonorité, sa justesse, son timbre, son caractère…